Je ne trouve pas ma place dans ce monde
C'est un fait indéniable, un constat qui me consterne
Mais que je n'peux éviter d'faire telle sa réalité est palpable
Prenez une bête sauvage et insérez-la au sein d'un troupeau domestiqué, organisé, obéissant
Un troupeau cerclé de fils barbelés
Comment réagira-t-elle ?
Soit elle aura les crocs, une agressivité sans fondement aux yeux de ceux qui acceptent sans Sourciller leurs vies captives
Ou alors elle va se fermer, se replier sur elle-même, dépressive
Jusqu'à ce qu'à l'usure, elle s'autodétruise, prise dans la spirale incessante
Des pensées limitantes qui tournent en boucle dans sa tête en débâcle
Et même si, le temps faisant, la résignation s'installe, qu'elle tente de s'adapter
Les autres n'auront de cesse de lui rappeler qu'elle n'est pas des leurs, qu'elle est différente
Que sa présence au sein du troupeau est aberrante
Elle passera sa vie à chercher sa place sans la trouver
Et quoi qu'elle fasse pour prouver sa bonne foi, cet animal restera marginal
Mais je me dis : non ! Ce n'est pas possible
Il y a cette voix en moi qui se révolte, qui me rappelle que les fils sont subtils
Les barrières illusoires, que les seules frontières qui existent sont celle que je m'impose moi-même
Alors elle me dit, d'un ton qui s'adoucit :
Vis, vis ta vie, va, cours, vole, retrouve cette étincelle de joie qui crépite en ton cœur
Et fais-la jaillir
Il y a plein de bêtes sauvages
Va, trouve-les, ensembles vous serez plus fortes
Et si ce monde ne vous fait pas de cadeaux, ne le blâmez pas
Mais construisez, créez, bougez, rêvez
Offrez-vous ces plaisir qui vous ont été retirés
Personne ne peut vous obliger à porter une laisse, un collier
Personne ne peut vous amputer de votre liberté
Oui, oui, mon corps entier acquiesce et mes cellules en liesse dansent la sarabande
Alors je dis oui à cette voix, oui, oui, oui mais, tu vois
Ce n'est pas si facile
On efface pas des millénaires d'histoire en un battement de cil
Il y a tellement longtemps que la bête a été retirée de son élément
Qu'elle est dénaturée jusque dans les tréfonds obscurs de son subconscient
Et si cette voix, ce cri guttural parfois résonne en mon cœur
Quand il se tait, d'autres interviennent en chœur, mais cette fois dans ma tête
Si pesantes, si pressantes, oppressantes
Des voix de proches, des voix de profs, des voix qui se répètent
Ces voix qui, à les croire, seraient détentrices du savoir
Ces voix que, sans le vouloir, une partie de moi a crédité
Comme celle de ce vieil homme aigri qui m'a prédit que je croupirais dans la médiocrité
Et je vois tant de gueules cassées, d'hommes et de femmes blessés, brisés, blasés, désabusés
Autant de bêtes sauvages dressées au fouet
Autant de bêtes sauvages aux libertés bafouées
Et ces voix crient et m'assaillent
Ces voix me scient, me tiraillent
Me remettent droit sur mes rails à chaque pet de travers
Et effacent chacun de mes rêves d'un revers de main
Alors je me plie, je me tais, je me tasse
J'avale la tasse, même si ça fait mal et j'attends que l'temps passe
Mais non ! Non ! Je dis non ! Mon corps entier refuse une telle aberration
La vie est bien trop belle pour qu'on l'enferme dans des cloisons
La vie est trop précieuse pour qu'on la gaspille
La vie, c'est pas des miettes qu'on grappille ou des bout de croûtes qu'on distribue au compte-goutte
La voix sauvage reprend, elle dit :
N'écoute pas les faux sages qui aimeraient que tu doutes
Qui sont comme autant d'barrages sur ta route
Alors suis ta voie coûte que coûte, peu importe
Que tu prennes des détours ou que tu files droit
Écoute ton cœur et va où il te porte
Et si la voix limitante hurle et me hante
L'autre, celle m'élevant, hulule et chante, elle
Si bien qu'en l'écoutant, je sens me pousser dans le dos des ailes
Elle me dit :
Tu as ta place ici
Personne ne s'incarne sur cette Terre par hasard ou par erreur
Alors trouve ta place, trouve-la dans ton cœur, dans ton ventre
Ne cherche pas à l'extérieur
Ce ne sont là que sollicitations pour te sortir de ton centre
Elle me dit :
Tu es un artiste, un créateur, sois imaginatif
Prends un papier, un stylo et écris ta vie sans être limitatif
Sans censure, sans frontières, sans barreaux, sans murs, sans barrières
Tu es né libre, alors rêve fort
Tu es né libre, reste-le sans effort
J'ai trouvé ma place dans ce monde
Du moins celle de l'instant, car tout est mouvement
Ce qui est maintenant ne sera peut-être plus dans une seconde
Je suis un poète, un artisan du verbe
Je sème à la volée mes mots comme le jardinier sème ses graines

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